Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES CULTURES POPULAIRES ET LE NOUVEAU PARADIGME SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE Une approche épistémologique

Issue 42
LES CULTURES POPULAIRES ET LE NOUVEAU  PARADIGME SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE  Une approche épistémologique

 

Dr. Rachid Jarmouni

Entreprendre une recherche sur les cultures populaires d’un point de vue socio-anthropologique exige beaucoup de précautions, au vu, d’un côté, des nombreuses confusions qui entourent le concept de culture populaire et, de l’autre,  du fait que l’on se retrouve à la croisée de différents champs de savoir dès lors que l’on tente une telle approche, outre que les cultures populaires tendent à se dérober au regard et ne s’expriment pas de façon claire et transparente, prenant fort souvent des formes retorses et occultes, voire parfois obscures et difficiles à cerner.

Mais, sur un autre plan, et par-delà ces problèmes qui sont réels, les progrès réalisés dans le champ des sciences humaines, en particulier dans les domaines de la sociologie et de l’anthropologie, ont de façon ou d’autre contribué à mettre en évidence un ensemble d’éléments latents et à éclairer certains aspects confus, surprenants ou problématiques de ces cultures. Si l’on prend, à titre d’exemple, la typologie à laquelle se réfère l’auteur lorsqu’il passe en revue l’ensemble des écoles qui ont traité de cette forme de culture, on voit que ce domaine peut être abordé sous divers angles et à travers de multiples approches. Dans certaines situations, la culture populaire exprime une réaction face à des forces oppressives et despotiques, ainsi qu’en témoigne, par exemple, l’histoire de la chanson marocaine des ghîwan. Dans d’autres situations, ce patrimoine peut être lu par référence à des formes marginales de culture qui ont défini des voies nouvelles pour exprimer le ressenti commun à l’ensemble de la collectivité. On pourrait également aborder ce type de culture sur la base de l’égalité avec la culture des élites, laquelle incline à la normativité. Il est possible, pour finir,  qu’on inscrive ce domaine de la culture dans une sorte de continuité avec la vie ordinaire des gens. C’est cette dernière approche qui a la préférence de l’auteur car elle lui permet de lire la culture de la société en tant qu’elle constitue un tout, et d’analyser la situation et le legs d’une société dans la dynamique de son développement passé, présent et même à venir.

L’une des leçons que l’on pourrait tirer de cette réflexion est que nous disposons aujourd’hui d’un important arsenal d’outils et de méthodes pour faire face aux questions posées par la culture populaire. Une telle profusion devrait permettre d’orienter les recherches doctorales vers des thématiques d’une actualité extrême, dans les domaines  de l’histoire, de la sociologie, de la linguistique, voire de la théologie. On pourrait même ambitionner de créer un centre de recherches qui serait un think tank réunissant un groupe de spécialistes en sciences humaines qui se consacreraient à l’étude des aspects occultés de la culture populaire, sous le prisme du collectif et non pas de l’individuel. Car ce sont ces aspects qui expriment l’essence de ces cultures authentiques, enracinées dans l’histoire, riches de toutes leurs ramifications, de tous leurs cheminements, de toutes leurs composantes autant que de leur diversité, en termes de civilisation, dans  la région du Moyen-Orient et du Maghreb.

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