Revue Spécialiséé Trimestrielle

CULTURE POPULAIRE ET CULTURE SAVANTE ENTRE SENS ET TERMINOLOGIE Approche anthro-musicologique de la chanson populaire

Issue 39
 CULTURE POPULAIRE ET CULTURE SAVANTE  ENTRE SENS ET TERMINOLOGIE Approche anthro-musicologique de la chanson populaire

Les thèses relatives au concept de culture et, plus spécifiquement, de culture populaire constituent un sujet à controverse, il arrive certes que les avis convergent mais le plus souvent ils divergent. Chaque contexte culturel confère, nul doute, un sens symbolique pérenne à la spécificité culturelle qui marque l’appartenance à tel ou tel groupe. C’est pourquoi cette spécificité constitue non pas une production commune et absolue, mais un réseau de contextes culturels en harmonie avec la réalité sociale qui l’entoure. Elle est également liée à la conscience collective car il est souvent difficile de distinguer le culturel du social, une telle distinction pouvant conduire à des conclusions erronées sur le comportement des hommes.

De nombreux champs de savoir (histoire, sociologie, linguistique…) se croisent et s’interpénètrent dans l’étude des cultures populaires. La plupart des études s’efforcent d’analyser, de comprendre et de définir la culture populaire en tant que système, chacune selon ses présupposés et son référentiel. La culture populaire étant partie du paysage culturel global de la société, un paysage souvent difficile à cerner, tant au plan intellectuel qu’historique, les spécialistes  ont grandement divergé autour de la catégorisation et de l’inscription à l’intérieur d’un contexte précis et reconnaissable de cette culture. Si bien que celle-ci a tantôt été présentée comme la culture des milieux populaires, tantôt comme la culture paysanne et ouvrière, tantôt comme la culture des masses…

On voit à quel point il est difficile de trouver un terrain d’entente pour parvenir à une définition claire de la culture populaire, un des concepts les plus problématiques qui soient et un de ceux qui suscitent le plus de  débats et de controverses. Le terme lui-même est déjà en soi obscur et prête à équivoque en raison du sens multiple des deux mots dont il est formé. Du point de vue sociologique, ‘’culture populaire’’ suppose une classification discriminatoire des cultures des sociétés humaines, et, plus précisément, l’existence de deux types de culture, la première définie comme culture ‘’savante’’ – que d’aucuns vont jusqu’à considérer comme la culture centrale, supérieure, celle des élites sociales –, et la seconde comme la culture ‘’populaire’’ – que l’on considère comme la culture primitive, marginale des milieux les plus humbles, une culture  qui porte la marque de l’inachèvement.

Les sociologues et les anthropologues estiment, en revanche, qu’il n’y a pas lieu de comparer ces deux cultures ni d’établir une hiérarchie entre culture ‘’savante ‘’ et ‘’culture populaire’’, eu égard à l’impact social de l’une et de l’autre, chacune prise à part ayant ses fondements et ses finalités.

Le terme ‘’populaire’’ s’est rattaché à une part importante de la production culturelle : arts, maximes, littérature, héritage… populaires. La question qui se pose reste, cependant, celle du sens du terme ‘’populaire’’ : l’usage de ce qualificatif obéit-il à des critères de culture et de classe sociale ou répond-il à un besoin de classement en vue de délimiter ce qui est populaire dans la sphère de la culture orale ?

Mais, au-delà des débats autour de la définition de la culture populaire, il est dans l’ensemble établi que cette culture provient du patrimoine matériel et oral : coutumes, croyances, contes et légendes, arts et métiers, récits, proverbes, chansons populaires…, à quoi s’ajoutent les innombrables manifestations et colorations de la vie quotidienne. La culture populaire plonge ses racines au plus profond du passé, construit ses œuvres au présent et regarde vers l’avenir. L’ancien s’y mêle au nouveau en une harmonie qui garantit la continuité et la pérennité des cultures des peuples.

Le milieu rural, celui des bédouins et des paysans, présente un riche éventail d’expressions artistiques populaires, telles que la poésie ou la chanson qui sont considérées comme les piliers de l’équilibre culturel et social. Ainsi de la chanson populaire, par exemple, qui accompagne toutes les étapes et évolutions historiques de telle ou telle société, chacune relevant d’une culture ayant ses marques spécifiques fondées sur un ensemble de symboles et de significations. Cette chanson est en effet liée à la réalité sociale, historique et culturelle où elle a vu le jour. Toute étude et tout travail de comparaison avec une forme artistique menés hors du contexte général qui est le sien n’aurait aucun sens. Certains ont commis l’erreur de la comparer à ce que l’on appelle la chanson ‘’de qualité’’ (à supposer qu’il existe un critère précis pour définir la notion de ‘’qualité’’, tout ce que l’on sait étant qu’il existe une sorte de consensus en la matière) : or la chanson populaire présente, elle aussi, de grandes qualités artistiques qui l’habilitent à prétendre à la ‘’qualité’’, pour autant que l’on s’entende sur le fait que la notion de ‘’qualité’’ est en accord avec la capacité de la chanson populaire à répondre aux différents niveaux de fonctionnalité et aux finalités sociales et psychologiques qui doivent être les siens dans le contexte général, et que la ‘’qualité’’ est la conformité de cette chanson aux spécificités littéraires et aux normes vocales élaborées par les auteurs de l’œuvre et dépend de sa capacité à transmettre le sens latent des paroles chantées.

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