Revue Spécialiséé Trimestrielle

LES BIJOUX EN ARGENT DU MAROC UN ART VILLAGEOIS ANCESTRAL

Issue 37
LES BIJOUX EN ARGENT DU MAROC  UN ART VILLAGEOIS ANCESTRAL

Rahma Miri

 

La fabrication des bijoux en argent, autrement appelée an-nougra, jouit d’une place de choix dans le patrimoine populaire marocain. Cette industrie et les usages que l’on fait de ces bijoux se sont répandus, en particulier chez les ruraux, les artisans traditionnels ayant pris l’habitude, depuis les temps les plus reculés, de sillonner sans cesse la région en transportant leur marchandise, leurs outils et leur savoir-faire.

Ces artisans ont en effet acquis une compétence qui leur a permis d’opérer des croisements entre les apports des nombreuses civilisations (phénicienne, byzantine, romaine, africaine, andalouse…) que le pays a connues, à travers les âges, et dont la mémoire a été conservée dans les musées du Maroc ainsi que dans les témoignages historiques, notamment les textes évoquant les mines d’argent, les échanges commerciaux et l’usage que la population tout autant que les princes ont fait de ce métal.

Les bijoux marocains ont été classés, selon la méthode généralement adoptée par les chercheurs concernant l’artisanat traditionnel, en deux catégories : les bijoux citadins et les bijoux villageois (ou ruraux), les premiers ayant pour matériau l’or et les pierres précieuses, les seconds l’argent ou les métaux enduits d’or ou d’argent, les bijoux se caractérisant, dans ce cas, par leur épaisseur et leur volume imposant.

Même si l’argent a donné lieu, aujourd’hui, à des formes variées et à de multiples techniques de fabrication et d’ornementation, ces bijoux ont gardé leur aspect traditionnel, les artisans étant restés fidèles à leurs méthodes de travail simples, basées sur des outils en petit nombre et différant fort peu de ceux qui étaient en usage, il y a des milliers d’années.

Mais on ne peut évoquer l’histoire de ces bijoux sans parler de l’exploitation des mines d’argent au Maroc dont l’histoire remonterait, selon les spécialistes, à l’époque antéislamique. Avec l’arrivée de l’Islam dans le pays les métaux ont contribué à la création d’ateliers pour frapper la monnaie et, partant, à la relance de l’économie. L’argent a dès lors servi comme ornement mais aussi comme moyen pour développer les échanges économiques. Al Bîkry parle, dans son « Kîtab al mugharrib fi dhikri bilad Ifrikiya wal Maghrib » (Le livre du voyageur en occident sur les pays d’Ifriqiya et du Maroc), d’une mine d’argent à Taznekht, d’une autre à Tamdelt, dans les environs de Taroudant, et d’une troisième à Tamdoult, au sud du Petit Atlas. Léon l’Africain évoque, pour sa part, une mine qui se trouvait dans la région de Helala, dans le Petit-Atlas, également, et qui suscita des conflits entre les tribus.

L’abondance du minerai d’argent a, nul doute, contribué au développement de l’industrie de l’argent, n’en déduisons pas que les centres les plus connus pour le travail de l’argent ont tous été, forcément, liés à la proximité des mines.

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